L'IA est-il un nouvel outil comme les autres pour l'image culinaire ?
- Claire-Emilie Lecocq
- il y a 6 jours
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 5 jours
Interview de Jérémy Gross, directeur artistique et réalisateur

L’intelligence artificielle s’impose aujourd’hui comme un levier majeur dans le domaine de la publicité culinaire. Capable de générer des images hyperréalistes de plats, d’animer et de styliser des images culinaires, voire même de créer des vidéo publicitaires de A à Z, elle redéfinit les codes de la communication visuelle dans la pub food. Mais est-elle un simple outil parmi d’autres, au même titre que Photoshop, After Effect, Flame ou la 3D, ou une véritable révolution en marche ?
Dans l’univers de la production de films publicitaires, l’incertitude demeure. Alors, pour étudier la question, nous sommes allés à la rencontre de Jérémy Gross, directeur artistique et réalisateur multimédia spécialisé dans le branding, et fervent utilisateur de l’IA.
Une véritable transformation de la création visuelle
Pour attirer l’attention des consommateurs, les marques de food & drink ont toujours misé sur des visuels séduisants. Si la production d’images de qualité impliquait jusqu’ici des shootings parfois coûteux, le développement de l’intelligence artificielle permettrait de générer des images de plats sans même passer par la case photographie. C’est le point de vue de Jérémy : « Aujourd’hui, l’IA est capable de créer un film de A à Z, en ajustant l’éclairage, la texture et la composition, pour un rendu parfait. Sur des films 100 % IA, je tourne avec des acteurs virtuels, je crée des images avec l’IA et je les monte ensuite ».
Le film publicitaire culinaire bénéficie également des avancées de l’IA. Aujourd’hui, il est possible de générer en quelques clics des concepts visuels pour inspirer les créateurs, ou encore d’ajouter des effets réalistes, comme une sauce qui coule ou une vapeur qui s’échappe d’un plat, à partir d’un simple prompt.
Pour autant, Jérémy reconnaît que certains postes restent indispensables à la production de pub food & drink. C’est le cas notamment du métier de styliste culinaire, qui joue un rôle clé dans la mise en valeur des plats et la reproduction fidèle d’un plat ou d’un produit, et ne semble pas menacé par l’IA. La capacité à comprendre les textures, les reflets et la mise en scène d’un plat ou la spécificité d’un produit est une compétence propre aux stylistes culinaires. L’IA peut certes automatiser certains aspects, mais elle ne remplacera pas l’œil expert et la sensibilité artistique de ces professionnels.
« Le styliste culinaire ne risque pas son poste. Même dans 10 ans, il faudra toujours acculturer l’IA. »— Jérémy Gross
Jérémy le confirme : « Aujourd’hui, il est possible d’entraîner une IA à reproduire des plats à partir de simples photos. Si des plats standards comme un steak-frites "standard” ne nécessitent aucun apprentissage spécifique, les créations plus complexes demandent une phase d’entraînement approfondie pour capturer leur singularité. Il y aura toujours besoin d’une personne réelle pour les créer en amont afin d’entraîner l’IA à les reproduire fidèlement. L’IA ne peut pas partir de zéro. »
De même, la place d’un directeur artistique restera clef pour rédiger les bons « prompts », faire appel aux références artistiques et visuelles, pertinentes, … En revanche, pour Jérémy, le photographe culinaire et le reste de l’équipe technique et artistique sont davantage menacés par le développement de l’IA.

L'IA dans la pub food : une technologie encore en développement
Selon Jérémy, l’IA représente un moment charnière pour l’audiovisuel : « On peut comparer la transformation que représente l’IA à la crise du disque face au MP3. Il s’agit d’un bouleversement profond, qui, s’il ne fait pas disparaître les métiers traditionnels, va les obliger à évoluer. Nous n’en sommes qu’aux débuts, l’IA va s’intégrer partout. »
Malgré ses avancées, l’IA appliquée à l’image culinaire doit encore relever plusieurs défis. Si certains visuels fixes sont déjà utilisés pour habiller des menus de restaurant ou illustrer des livres de recettes, la reproduction fidèle d’un plat réalisé par un chef demeure complexe.
« Les aberrations visuelles existent encore, mais tendent à diminuer à mesure que la technologie progresse. » — Jérémy Gross
De plus, la question de l’authenticité se pose : un plat généré par IA est-il aussi engageant qu’une photo réelle ?
À l’avenir, l’IA pourrait s’affiner pour devenir un outil indispensable des stylistes culinaires, permettant de tester des compositions avant un shooting par exemple. Les agences de publicité devront aussi intégrer cette technologie dans leur workflow, sous peine d’être dépassées par celles qui sauront l’exploiter au mieux.

Conclusion : une intégration progressive et inévitable
L’IA dans l’image culinaire est à un stade précoce, comparable à la découverte du feu : fascinante, prometteuse, mais encore incontrôlée. Son potentiel est immense, mais il faudra du temps pour qu’elle devienne un outil pleinement maîtrisé. À terme, Jérémy est persuadé que l’IA deviendra une composante naturelle de la production visuelle culinaire, sollicitant expertise et sensibilité artistique d’une équipe réduite.
Pour notre part, nous adoptons une approche pragmatique face à l’essor de l’IA dans l’image culinaire. My Kitchen Society reste à l’écoute des évolutions du marché et commençons à intégrer certains outils d’intelligence artificielle dans nos workflows. Toutefois, malgré les avancées technologiques, nous pensons que l’IA ne peut pas se substituer à l’expertise et à la créativité humaine. La sensibilité artistique, l’interprétation des tendances et les choix de réalisation restent des éléments différenciants essentiels pour produire des visuels engageants et authentiques.
On vous laisse admirer la superbe démo de László Gaál, entièrement fabriquée sur le moteur Google Veo2, qui illustre parfaitement les capacités de l'IA en matière d'imagerie culinaire.