Les temps changent et la publicité aussi. À l'ère des ad-blockers et du streaming sans interruptions, il ne suffit plus d'exposer les consommateurs à un message pour capter leur attention. Désormais, les marques doivent captiver, émouvoir, et surtout raconter des histoires qui résonnent avec leur public. C’est dans cette optique que le brand entertainment émerge comme une alternative créative et authentique. Une manière d’ « apprendre collectivement à chuchoter » comme le dit Bertille Toledano, co-présidente de l’AACC (Association des Agences-Conseils en Communication).
Chez My Kitchen Society, nous avons choisi de miser sur cette approche, en développant des créations originales dans lesquelles l’annonceur peut avoir sa place de manière fluide, pertinente et subtile. Cette approche réinvente les codes publicitaires en mettant le sens et l’émotion au premier plan, pour toucher le public de manière plus authentique. Bien que cette démarche soit encore exploratoire, elle prend vie à travers les premières productions issues de notre nouvelle entité, My Kitchen Makers, qui incarne cette vision ambitieuse et créative.
La pub est morte, vive la pub !
La publicité traditionnelle, qui a longtemps été le moyen privilégié pour les marques d’atteindre leur audience, vit une crise sans précédent. Bombardés de messages publicitaires de toutes parts, les consommateurs recherchent davantage de sens et de cohérence dans ce qu’ils regardent, préférant un contenu qui les captive plutôt qu'une simple incitation à l’achat, et rejetant les interruptions intempestives.
Avec l’avènement du numérique et la montée en puissance des plateformes de streaming, ils ont découvert un monde sans publicité intrusive. Désormais maîtres de ce qu’ils regardent, ils ne tolèrent plus les publicités imposées et s’équipent d'outils leur permettant de les ignorer ou de les bloquer, comme les ad blockers, ou se réfugient sur des plateformes sans publicité (Netflix, Spotify Premium, etc.).
Dans ce contexte, les publicités traditionnelles perdent en efficacité, obligeant les marques à faire toujours plus avec le même budget. Face à cette désaffection, les marques sont confrontées à un véritable défi : comment attirer l’attention d’un public de plus en plus exigeant sans perturber son expérience utilisateur ?
Pour se démarquer, les annonceurs doivent redoubler d’ingéniosité. Il ne s’agit plus seulement de vendre un produit, mais de divertir et d'engager le public avec des publicités amusantes ou créatives, qui cherchent à susciter l’émotion et à raconter de belles histoires, avec des storytellings de plus en plus travaillés. En 2017, l’enseigne Intermarché s’est démarquée avec sa publicité multiprimée L’amour, réalisée par Katia Lewkowicz et produit par Carnibird Production, un court-métrage émouvant qui met en scène une amourette entre un jeune homme et une caissière, sous fond de fruits et légumes frais. Un parfait exemple d’un storytelling réussi ! L’annonceur a même continué sur sa lancée, et a récemment sorti Histoire d’un amour, huitième film de sa saga populaire au service des produits frais et du mieux manger.
Cependant, cela reste un exercice complexe et coûteux. Une alternative consiste à changer de canal de diffusion : adopter des méthodes plus subtiles comme le placement de produit dans les films ou les séries (c’est le cas de la fameuse Aston Martin de James Bond, les Nissan de Fast and Furious, les M&M’s d'ET, et le Pepsi de Marty McFly), ou encore créer des histoires autour du produit, en prenant davantage de temps pour tisser un lien émotionnel avec l’audience. Avec plus de 117,6 millions d'heures de visionnage à travers le monde, la série Emily in Paris se positionne comme une vitrine pour les marques de luxe. Et ça marche ! À la suite de la diffusion de la 3e saison, le nombre de recherches liées aux marques de luxe a littéralement explosé, notamment pour les marques Louis Vuitton, Saint-Laurent et Chloé.
Plus subtile encore, la publicité discrète, presque « clandestine », à travers le sponsoring de vidéo, permet de véhiculer les valeurs d’une marque au-delà de ses produits. C’est cette approche qui est adoptée dans le brand entertainment, qui redéfinit les codes de la publicité traditionnelle pour mieux s’adapter aux attentes des consommateurs d’aujourd’hui.
Le brand entertainment, l’avenir de la pub ?
Face à l’essoufflement de la publicité traditionnelle, une nouvelle approche émerge : le brand entertainment, ou divertissement publicitaire. Il s'agit d'une convergence entre divertissement et publicité, où les marques ne se contentent plus de simples spots publicitaires mais créent désormais des contenus culturels, artistiques ou narratifs qui s'intègrent naturellement dans l'univers des spectateurs, sans les interruptions agaçantes des publicités classiques.
Comme le souligne Jan Belletti, co-fondateur de Sixtine Groupe :
« Le brand entertainment permet à une marque de s’associer aux valeurs d’un univers créatif, culturel ou artistique ».
Le brand entertainment ne cherche pas seulement à vendre un produit, mais à captiver l’attention du public tout en valorisant les valeurs de la marque. Et ses avantages sont nombreux :
Un engagement plus fort : Le brand entertainment permet de capter l’attention d’une audience en proposant des contenus divertissants et enrichissants. Contrairement à la publicité classique, qui cherche à vendre directement un produit, le brand entertainment vise à créer une connexion émotionnelle avec les consommateurs.
L’intégration native : Les marques peuvent s’insérer dans l’univers culturel de leurs cibles de manière beaucoup plus subtile, en apparaissant dans des séries, des films ou des vidéos que le public apprécie déjà. Un excellent exemple est celui de la série “Stranger Things” qui a collaboré avec Coca-Cola pour relancer la “New Coke”, une version historique de la boisson qui correspondait à l’époque dans laquelle se déroulait la série.
Le storytelling comme outil de persuasion : Les marques peuvent raconter leur propre histoire à travers des formats longs (documentaires, séries web, podcasts, etc.) qui leur permettent de construire une image forte, en phase avec les valeurs et les attentes de leur audience. C’est le cas notamment du film Air (2023) réalisé par Ben Affleck, qui revient sur le partenariat historique entre Nike et Michael Jordan.
Un contenu viral : Le contenu de brand entertainment a souvent un potentiel viral plus important. Le public partage volontiers un contenu divertissant qu’il a apprécié, ce qui permet à la marque d’élargir son audience de façon organique.
Alors, faut-il abandonner totalement la publicité classique ? Pas forcément, mais le brand entertainment offre une nouvelle approche plus respectueuse des attentes des consommateurs. Plutôt que de placer des annonces autour ou entre des contenus créatifs, les marques s’invitent directement dans le récit. Ce phénomène redéfinit la promotion en la transformant en un vecteur subtil et stratégique, où la publicité devient discrète et non intrusive.
Le brand entertainment est un véritable pont entre publicité et divertissement, où les frontières entre les deux se brouillent. Prenons l'exemple du court-métrage A Woman’s Place (2020), un documentaire américain réalisé par Rayka Zehtabchi, lauréate d’un Academy Award. Ce film, financé par KitchenAid, retrace l'histoire de trois cheffes culinaires, confrontées au sexisme institutionnalisé et capables de le surmonter. Alors qu’elles abordent les préjugés et le harcèlement qu'elles ont dû subir, nous voyons comment chaque chef s'est taillé une place dans l'industrie en tant que restauratrice, chef de cuisine et bouchère, respectivement.
Tout au long du documentaire, KitchenAid n’est mentionné que brièvement, notamment au début, avec la mention « A Vox Creative and KitchenAid production ». Le contenu se concentre sur les valeurs de résilience et de dépassement, parfaitement alignées avec l’image de la marque, sans jamais tomber dans la promotion d’un produit spécifique. Ce type de narration met en avant un partage de valeurs, ce qui crée une connexion durable avec le public. Une dernière mention à KitchenAid apparaît à la fin du film :
Un autre exemple récent est celui du YouTuber et streamer français Inoxtag. Avec ses 8,6 millions d’abonnés, il a rassemblé plusieurs sponsors majeurs, tels que Air up, Nike, Deezer ou encore Orange, pour financer son projet de cœur : l’ascension de l’Everest. Ce projet, intitulé Kaizen, a suivi Inoxtag pendant son entraînement et son périple, captant l’attention de millions de spectateurs. Le documentaire met en avant le parcours personnel et les défis physiques de l'aventure, sans que les marques ne soient au centre de l’intrigue. Bien que présentes en tant que sponsors, elles apparaissent de manière discrète, intégrées au récit de manière organique. Ici encore, l’accent est mis sur le voyage, l’accomplissement personnel et l’inspiration, des valeurs que les marques partagent avec l’aventure d’Inoxtag, et non sur la promotion directe de leurs produits.
Ce n’est pas le premier exemple de film sponsorisé. Cependant, à ce niveau de réussite et d’intégration dans la narration, ce film risque d’être la locomotive de cette naissante économie qu’est le brand entertainment.
Autre exemple intéressant, le documentaire Derrière le tablier met en lumière 10 jeunes chefs talentueux en quête d’excellence, qui se sont affrontés lors de la finale du concours S.Pellegrino Young Chef en 2023. De la conception à la dégustation de leur plat-signature, ils racontent dans ce film leur processus de création, leurs inspirations personnelles et leurs défis quotidiens.
Dans cette nouvelle ère de la publicité, la pertinence, l'utilité et l'engagement à long terme remplacent le bombardement publicitaire.
Le brand entertainment, un pari risqué pour les marques ?
Si le brand entertainment offre une solution séduisante face à l’érosion de la publicité traditionnelle, il présente également des limites et des risques qu’il ne faut pas sous-estimer.
1. Un retour sur investissement incertain
Le premier défi est d’ordre financier. Le brand entertainment exige des investissements significatifs dans la création de contenu de qualité, sans certitude de retour immédiat : difficile de garantir une émotion ressentie ou l’engouement des foules pour un film ou une série.
Contrairement à la publicité traditionnelle, où il est relativement simple de mesurer des indicateurs tels que le taux de clic ou le taux de conversion, l'impact du brand entertainment est souvent diffus et difficile à quantifier. Les marques doivent s’engager dans une stratégie à long terme, en acceptant que les résultats ne soient pas toujours mesurables en termes de ventes directes.
2. Une saturation ou une mauvaise intégration du contenu
Le placement de produit peut vite devenir contre-productif s’il est mal géré. L'exemple emblématique de la saga James Bond illustre bien ce phénomène. Le film GoldenEye (1995) a marqué une étape importante dans l’histoire du placement produit de luxe, notamment avec des marques comme Aston Martin ou Omega, mais également avec des placements plus visibles comme le camion Perrier, au détriment de l’expérience cinématographique.
Lorsque la publicité est trop présente, elle peut devenir désagréable pour le consommateur, qui se sent alors submergé par un contenu commercial. En revanche, lorsqu'elle est trop subtile, elle peut être perçue comme insidieuse, manipulatrice, voire dangereuse. Il est crucial de maintenir un équilibre délicat : la marque doit être visible sans voler la vedette au contenu lui-même.
C’est ce qui s’est passé pour PewDiePie, l’un des YouTubers les plus célèbres, qui a été accusé en 2014 de ne pas divulguer clairement qu’il avait été payé pour promouvoir le jeu vidéo Shadow of Mordor. Cela a déclenché une controverse sur les règles de transparence pour les créateurs de contenu. En France, une loi existe depuis 2023 pour réguler l'activité des influenceurs et des agents d'influenceurs sur les réseaux sociaux, notamment pour protéger les plus jeunes. Les influenceurs doivent notamment indiquer clairement la mention "publicité" ou "collaboration commerciale" sur leurs contenus promotionnels.
Dans la même veine, bien que salué pour son humour et son style, le film “The Lego Movie” (2014) a été critiqué pour être une publicité déguisée pour les produits Lego. Certains spectateurs ont trouvé que la promotion du produit était trop évidente pour un contenu présenté comme une œuvre créative.
3. Le risque d'influence non transparente
Le brand entertainment moderne cherche à faire disparaître la distinction entre publicité et contenu. Contrairement à la publicité classique, la marque s’intègre de manière fluide et organique dans le récit, ne permettant plus au spectateur de distinguer le message commercial du contenu qu’il consomme. C’est là que réside un autre danger : le manque de transparence. Si le public ne réalise pas qu’il est exposé à une publicité, cela peut poser des questions éthiques.
L’une des préoccupations majeures est le risque d’influencer les consommateurs de manière inconsciente. En intégrant les marques de façon subtile dans des contenus divertissants ou narratifs, le message publicitaire devient indiscernable, ce qui pourrait conduire à des prises de décision biaisées chez les consommateurs. L’absence de signalisation claire d’une publicité, surtout dans des contenus destinés à un jeune public, peut aussi poser des problèmes de régulation.
C’est d’ailleurs une des critiques suscitées par le documentaire Kaizen : l’aspect promotionnel implicite. En effet, le contenu, a priori authentique, sert également à renforcer la notoriété de l’influenceur et de ses sponsors. Ces critiques pointent du doigt un manque de clarté sur la frontière entre création documentaire et stratégie publicitaire.
My Kitchen Makers, le divertissement publicitaire à la sauce MKS
Chez My Kitchen Society, tout en poursuivant la production de publicités culinaires sur commande, nous avons pris une orientation stratégique audacieuse : développer nos propres projets. En concevant des concepts originaux, que nous proposons ensuite aux annonceurs qui partagent nos valeurs, nous avons créé une nouvelle dynamique incarnée par notre entité My Kitchen Makers. Cette initiative vise à produire des programmes qui nous passionnent, libérés des contraintes traditionnelles d’un brief d’agence ou d’annonceur, pour mettre en avant une création authentique et porteuse de sens.
Avec cette nouvelle entité Makers, My Kitchen Society aspire à produire du contenu qui soit à la fois beau et tendance, tout en ayant un véritable parti pris narratif. Pour cela, nous sommes en train de construire un roster de réalisateurs, d’auteurs et de scénaristes capables de porter cette vision. Notre ambition : associer notre expertise en publicité food avec des talents issus de Youtube et du monde des médias, reflétant les aspirations et codes des créateurs de contenu modernes. Et peut-être à terme, créer notre propre plateforme…
Silence, on tourne !
Sans faire de bruit, My Kitchen Makers a déjà commencé à faire des petits. Notre projet phare, Territoire(s), met en lumière les liens entre la nature, l’agriculture et l’alimentation. Cette série documentaire raconte la relation entre des producteurs passionnés par les produits qu’ils travaillent et les chefs qui les cuisinent. Le premier épisode, réalisé en 2023 par Jean-Rodolphe Petit-Grimmer sur le chef étoilé Christophe Aribert, a été produit pour le compte de Taste France Magazine. Cette série est conçue pour que chaque épisode soit financé par un annonceur différent.
Notre deuxième projet, Sacrées Recettes, fait le lien entre gastronomie et sacré. Cette série, produite par My Kitchen Makers en partenariat avec le CFRT (Comité Français de Radio-Télévision), et réalisée par Jean-Rodolphe Petit-Grimmer, vient d’être diffusée à l’occasion du lancement de la plateforme JDS.TV.
Notre troisième projet, Refuges, développé par My Kitchen Makers et Raphaël Gonnet, propose à chaque épisode une rencontre entre un gardien de refuge, sa recette coup de cœur mettant en valeur une cuisine locale et une personne pour la déguster ayant une relation forte avec la montagne.
Avec l’émergence de My Kitchen Makers, nous explorons de nouvelles frontières créatives où l’émotion, le sens et le récit prennent le pas sur la simple promotion. Ce pari ambitieux réinvente la manière dont les marques peuvent toucher leur public, en s’ancrant dans des histoires authentiques et captivantes. Dans un paysage publicitaire saturé, cette voie nous représente une alternative riche de promesses pour inspirer et engager une audience sur-sollicitée.
Avec cette nouvelle entité et trois premiers projets déjà en production, My Kitchen Society prouve que le futur de la publicité ne se contente pas de vendre : il émeut, fédère et construit des relations durables. Une chose est sûre : nous ne faisons que commencer à écrire cette belle histoire.